Il a jadis appartenu à la guilde des artistes, l'écriture était devenue une passion, ainsi il écrivit quelques livres sur la géographie du Royaume de la Terre et sur les plantes aquatiques lors de sa visite dans la contrée des cascades.
Je me livre très souvent à mon cher journal. Peu de personnes peuvent comprendre ce besoin, cependant, en plus d’évacuer mon cœur, je lègue de précieuses informations lorsque mon corps aura quitté ce monde. Malheureusement, j’eus l’idée d’entreprendre ceci, seulement lorsque ma vie bascula via la rencontre avec Adrietha.
« Saison de Venë, An -10,
Je ne peux exprimer ma joie d’avoir croisé en ce jour une charmante créature. Mon cœur a connu pour la deuxième fois le coup de foudre. La déesse Seda me couvre bien de présents. Je la prie et la sers selon mes faibles moyens.
Cette femme, aux cheveux ondulés parcourant son dos blanc, était assise au bord d’un ruisseau non loin de la capitale, tandis que je me rendais dans un village pour enseigner l’écriture aux plus démunis.
Ma condition de paysan à ma naissance m’avait laissé dans l’indifférence de la culture. Lors de mon centenaire, j’eus le privilège de rencontrer un homme qui bascula mon existence. Cultivé et de la haute noblesse, il servait à la Cour de Ciend lorsque nous nous rencontrâmes durant la guerre qui départageait Ciend et Ysyra. Des querelles dont je ne comprenais le but, petit paysan cultivant la terre pour aider sa famille dans le besoin. Néanmoins, il ne souhaita prendre part à ce genre de discussions. Durant de longues heures, il se fascina pour mon peuple et ses légendes. En échange de mon maigre savoir, il me légua le sien. C’est ainsi que la lecture et l’écriture devinrent mes deux passions et préoccupations. Je pouvais vaquer dans la capitale à la recherche d’un travail à présent. Partir loin de ses terres dont mes mains souffraient un peu plus. La curiosité avait été piquée au vif. Je pouvais enfin me rendre dans les librairies. Qui sait ce qui m’attendait à présent ?
Mais revenons-nous au fait. Cette demoiselle profitait du soleil qui inondait encore les terres. Bientôt, la neige remplacerait les douces chaleurs, le sol se recouvrirait d’un épais manteau et les déplacements à pieds seraient compliqués. De prime à bords, je suis légèrement timide, surtout lorsqu’il s’agit d’aborder la gente féminine, cependant, le cœur et le vent me poussa dans sa direction. Les pommettes rouges, ainsi que le bout de mes oreilles, je bégayais quelques mots qui la firent sursauter, tombant ainsi dans le cours d’eau.
- Je suis fort désolé, là n’était mon intention.
Ainsi, je lui proposais ma main pour l’aider, bien que mes yeux se posent sur ce visage presque angélique. Les oreilles d’une elfe et l’âge d’un humain. Une hybride peu commode. Mon peuple acceptait de se mélanger avec les autres, mais restait très sectaire concernant la conception de leur progéniture. Il était mal vu de se marier avec un autre représentant d’une race.
- Ce n’est rien, dit-elle sèchement, en retirant précipitamment main.
Son tempérament me séduit un peu plus, féline avec une pointe d’autorité et agressivité. On sentait qu’elle ne se laisserait faire par un homme. Sauvage. C’était le mot qui la décrivait le mieux, bien que je n’étais au bout de mes surprises.
- Veuillez accepter de m’accompagner dans une auberge non loin d’ici. Vous ne pouvez rester ainsi, le froid approche, surtout en cette fin d’après-midi. Le soleil ne tardera à se coucher. Je m’en voudrais que le mal vous atteigne.
Un sourire plus franc se dessina sur mes lèvres. Regardant le sol, elle semblait hésiter à suivre un inconnu.
- Si cela peut vous rassurer, je ne cherche à vous faire souffrir. Je ne demande que de la chaleur et partager un repas en votre compagnie. Votre aura m’a éclairée vers ce ruisseau, laissez-moi comprendre la raison.
Cette fois, j’en avais peut-être trop dit, mon cher journal, cependant, j’osais l’inimaginable. Quelle ne fut pas ma joie des plus secrètes lorsqu’elle accepta. Un tournant dont je ne comprenais encore l’envergure. »
Les années passèrent doucement et tranquillement, j’en oubliai mon journal, caché dans une malle maintenant au château du roi de Seda, Elros à l’époque. Ce n’est qu’avec la décision de ce dernier que le besoin d’en répandre ma joie le fit sortir de sa cachette poussiéreuse.
« Saison de Rudë, An 0,
Mes oreilles sont encore sous le choc par la révélation de ma bien-aimée, bien que j’eusse envie d’entendre que notre union avait enfin connu le fruit terminal, Adrietha venait m’annoncer que ces nombreux discours avaient suscité le regard d’Elros et de ces conseillers. En effet, depuis quelques années déjà, cette dernière n’hésitait point à se faire entendre en place publique. La guerre entre Ciend et Ysyra était encore très ancrée dans les esprits, les tensions se faisaient sentir à nous. Elle touchait ainsi la corde sensible pour amener le peuple, paysan à bourgeois, à s’interroger sur les biens faits de la paix. Les cœurs étaient conquis, je me suis toujours demandée si sa beauté lui avait permis de gagner cette bataille ou non… La question règne toujours.
Néanmoins, ce n’était pas le seul changement auquel je devais me préparer. Surpris, mon enthousiaste redescendit bien rapidement lorsqu’elle m’annonça triomphante que le roi nous offrait une suite dans son palais. Mon journal, je revois encore son visage mécontent de ma moue sans nom. C’est ainsi qu’en plus de gagner une place privilégiée au conseil de sa Majesté, nous commençâmes notre déménagement vers la luxueuse suite du palais.
Mon ancienne vie s’acheva sous quelques larmes tristement versées à la déesse de la terre. J’étais heureux avant, mais à présent, je sentais que le changement ne s’arrêterait point-là. La cours avait ses manies qui me déplaisaient fortement. Tant de règles et bonnes manières appris dès le plus jeune âge, pourquoi dont ?
Depuis, l’écriture de ses quelques lignes, mon confident, je ne trouve plus ma place dans cette société, l’amour d’Adrietha me permet de rester ici, bien que je plonge, sans qu’elle s’en aperçoive, dans une solitude toujours plus profonde. »
« Saison de Chaü, An 4,
Je me plains sans cesse à toi, mon seul ami. Certes, tu pourrais me reprocher les nombreux liens que j’entretiens dans le royaume pour trouver un confident plus humain, me répondant, me conseillant. Mais non, je n’ai point confiance en ces personnages qui tournent leur veste quand le temps change en une faveur adverse. Cependant, le sujet n’est point-là, et elle vient de rentrer, je gratte toujours ce papyrus pour évacuer ma colère montante, les mots deviennent presque illisible, la plume risque de se rompre, mais qu’importe.
- Je suis désolée de mon retard, un énième conseil, dit-elle la voix entrecoupée par des rires hystériques de joie.
A ce moment, je compris bien rapidement que ce conseil avait eu un ressenti sur elle, qu’était-ce à présent ? Tu auras la suite après notre conversation.
A présent la nuit danse joyeusement dans le ciel. Les rayons solaires ne sont qu’un lointain souvenir, tout comme ma colère envers la femme qui a su me rendre heureux. Elle dort profondément, un prochain déménagement est prévu… Moi qui envisageais de reprendre une activité professionnel. Elle avait réussi dans le passé à réunir les quatre nations, à se faire voir de la cours de Carathiel, l’apogée de son rêve venait de se réaliser : être Reine. Adrietha annonçait depuis ce temps son plan pour entreprendre la prise de pouvoir à Charmon, cette région, annexe du royaume des templiers. »
L’année passa rapidement, son pouvoir s’installa tranquillement dans cette cité. Néanmoins, un évènement vient ternir notre bonheur. Ma main tremblait encore sous l’effet de la tristesse et de la colère par cette disparition soudaine. Reviendrait-elle un jour ? Je n’en savais rien mais je devais m’acquitter de ce cruel devoir. La nuit passa, les cauchemars s’entremêlaient aux rêves les plus fous. Cependant, les rayons solaires me réveillèrent le lendemain. C’était le jour d’un nouveau départ. Je leur annoncerai donc, et cette dernière ne fit qu’un choc de plus pour ébranler cette fragile paix. Adrietha avait disparu, mais certaines nations souhaitaient se lancer dans diverses campagnes pour chercher des indices. Ainsi soit-il, je ne voulais prendre part à tout ceci. Vaine parole prononçait bien rapidement, car mon avis changea, une fois ma peine mise à l’écart.
Mon corps fut emporté bien rapidement vers ces plaines de lumières dont tout le monde décrit l’existence, sans les connaitre avant leur trépas. Je ne me souviens que trop peu de la raison. J’étais dans une brasserie comme on peut en croiser sur les longues routes menant aux capitales. Laquelle, l’histoire est longue, Carathiel en fait. Un bandit m’a eu à un détour mal éclairé la nuit. Cependant, cela ne m’empêchera point de continuer ma « mission » d’aider le peuple d’Adrietha à la retrouver. Bien au contraire, avec mon dévouement pour la déesse de Seda, cette dernière m’offrit un présent : une amulette me permettant de retourner dans le monde corporel. A présent, déposer des indices et réunir des aventuriers seront choses aisés. Arriverions-nous à percer le mystère ? J’ose le croire.